Comprendre le Grand Roissy : un carrefour dynamique en pleine transformation

Le Grand Roissy, c’est bien plus qu’un simple voisinage autour du plus grand aéroport français. Cet ensemble de communes, qui s’étend sur trois départements (Val-d’Oise, Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis) et rassemble des villes comme Roissy-en-France, Tremblay-en-France, Goussainville, Louvres, Mitry-Mory ou encore Le Mesnil-Amelot, incarne une mosaïque en perpétuelle évolution démographique. Entre croissance urbaine et recompositions sociales, le territoire dessine des trajectoires inédites qui questionnent l’avenir local, mais aussi métropolitain.

Ce dynamisme ne se limite pas à l’aéroport. Zones d’activité, habitats nouveaux, mobilité accrue : la démographie du Grand Roissy n’a jamais été aussi mouvementée. Que nous disent les chiffres récents ? Quelles tendances émergent dans les différentes communes ? Focus sur cette métamorphose et ses enjeux pour le territoire.

Une croissance démographique soutenue, mais contrastée selon les communes

Depuis dix ans, la population du Grand Roissy continue sa progression. Selon l’INSEE (chiffres 2015-2021), la zone regroupant les 42 communes du Pôle métropolitain Grand Roissy a gagné environ 31 000 habitants, passant de 552 000 à 583 000 résidents. Une hausse nette de plus de 5,5 % sur la période, supérieure à la moyenne francilienne (environ +4,6 %).

Toutefois, cette moyenne masque d’importantes disparités :

  • Louvres et ses voisines (Louvres, Puiseux-en-France, etc.) : Ces communes du Val-d’Oise affichent des croissances spectaculaires, portées par des opérations d’aménagement, notamment autour de Louvres-Puiseux avec le projet « Cœur de Ville ». La commune de Louvres a ainsi franchi les 10 000 habitants en 2021 (+28 % depuis 2012).
  • Le sud de la Seine-et-Marne : Autour de Mitry-Mory, la progression est régulière mais plus mesurée (+6 % environ depuis 2012), portée par l’ouverture de nouveaux quartiers et la poussée du logement individuel plébiscité post-COVID.
  • Roissy-en-France : Son évolution démographique reste plus modérée, avec un nombre d’habitants relativement stable (autour de 2 900), conséquence du poids des zones aéroportuaires et d’une urbanisation encadrée.
  • Goussainville et Gonesse : Ces grandes communes historiques du Val-d’Oise suivent une dynamique plus stable (évolution autour de +3 à +4 % sur 10 ans), mais leur population reste élevée (plus de 32 000 habitants à Goussainville, 26 000 à Gonesse).
  • Tremblay-en-France et Villepinte : Ici, la croissance s’accélère (+7 % à Tremblay depuis 2012), dopée par l’arrivée de nouvelles familles, souvent issues de Paris ou de communes voisines, ainsi que par une natalité supérieure à la moyenne francilienne (source : Insee).

Une population rajeunie : le Grand Roissy attire les familles

Un trait marquant du Grand Roissy est le rajeunissement de sa population. Dans plusieurs communes de Seine-Saint-Denis (Tremblay, Villepinte) et du Val-d’Oise (Louvres, Puiseux-en-France), la part des moins de 30 ans dépasse les 40 %. Ce chiffre, bien supérieur à la moyenne régionale, s’explique par une double dynamique :

  • Une natalité élevée : Par exemple, à Tremblay-en-France, l’indice de fécondité s’élève à 2,1 enfants par femme (source : Observatoire régional de santé d’Île-de-France), soit un niveau supérieur à la moyenne nationale (1,8 en 2022).
  • L’installation de jeunes ménages franciliens : De nombreuses familles, contraintes par la hausse des prix à Paris et en petite couronne, choisissent le Grand Roissy pour son offre de logements plus abordables et ses perspectives d’emploi, notamment dans les services et l’aéronautique.

On observe d’ailleurs une multiplication des écoles et crèches dans l’ensemble du Pôle, un signal fort de ce renouvellement démographique. À Louvres, par exemple, la maternelle Charles Perrault a doublé sa capacité d’accueil entre 2018 et 2023.

Une attractivité liée à l’aéroport et à l’emploi, mais aussi ses limites

Impossible d’évoquer la démographie locale sans parler du rôle de l’aéroport Charles-de-Gaulle, principal moteur d’emplois directs et indirects (plus de 90 000 emplois recensés en 2022, source : Paris-CDG Alliance). Cette manne attire des actifs venus de toute l’Île-de-France, et même au-delà : 36 % des employés du Hub résident hors du périmètre immédiat du Grand Roissy.

Mais cette attractivité génère aussi des effets « boomerang » : la hausse de la mobilité domicile-travail a fait bondir la demande locative, en particulier à Tremblay, Villepinte et Roissy-en-France. Ainsi, entre 2015 et 2020, les loyers ont grimpé de près de 12 % dans la plupart des communes riveraines de la plateforme (source : Fnaim Île-de-France).

Face à cette pression, certaines familles font le choix de s’éloigner, poussées vers l’est du Val-d’Oise ou la grande couronne nord, enclenchant une recomposition sociale nouvelle. À contrario, les communes qui ont su développer des logements sociaux et intermédiaires, comme Goussainville ou Villeparisis, parviennent à retenir et diversifier leur population.

Des flux migratoires inédits : nouveaux arrivants, mobilité et enjeux de mixité

Le Grand Roissy connaît depuis cinq ans une accélération des flux migratoires internes, avec trois profils principaux :

  1. Arrivés d’autres départements d’Île-de-France (notamment Paris et Seine-Saint-Denis), à la recherche de logements plus accessibles.
  2. Arrivées récentes de familles issues de l’international (Maghreb, Afrique de l’Ouest, Europe de l’Est), attirées par l’emploi aéroportuaire et la proximité de Paris, comme à Mitry-Mory où 17 % de la population est née à l’étranger (source : Insee, 2021).
  3. Mobilité intra-communale : jeunes adultes et familles déjà sur le territoire mais qui changent de commune, souvent au gré du temps et de l’accessibilité au logement social ou aux nouveaux quartiers.

Ces flux alimentent une forte diversité. À Gonesse, 45 % des résidents ont moins de 29 ans, et plus d’un tiers des habitants y sont nés à l’étranger. À Tremblay, une mixité sociale affirmée se développe rue par rue, quartier par quartier, mais pose aussi des défis en matière de cohésion et de services publics.

Les grands projets urbains : catalyseurs et révélateurs démographiques

L’émergence de nouveaux quartiers façonne directement la pyramide des âges et la composition sociale. Quelques exemples marquants :

  • Louvres-Puiseux (Val d’Oise) : Projet Cœur de Ville, plus de 3 000 logements neufs aménagés depuis 2015 sur d’anciennes friches agricoles, mixant accession, locatif libre et social. Les arrivées de jeunes couples et de primo-accédants y dynamisent la commune.
  • Villepinte (Seine-Saint-Denis) : Le programme des Mousseaux, énorme quartier en transformation, entend accueillir près de 2 000 nouveaux habitants d’ici 2027, tout en développant des équipements publics, avec un effort particulier sur la mixité sociale.
  • Gonesse (Val-d’Oise) : Après l’abandon du projet Europacity, la ZAC du Triangle de Gonesse demeure un levier de transformation, même si les nouveaux équilibres entre habitat, agriculture urbaine et activité économique restent à écrire.

Ces aménagements transforment la sociologie des habitants : plus de familles, plus de cadres moyens et de professions intermédiaires, mais aussi des étudiants et des actifs en début de parcours professionnel. Les défis à venir concernent l’accès aux équipements, la mixité et la cohésion entre anciens et nouveaux habitants.

Vieillissement contrôlé ou repoussé ?

Contrairement à d’autres territoires franciliens, le Grand Roissy affiche un vieillissement démographique beaucoup moins prononcé. À Tremblay-en-France, les 60 ans et plus représentent 16 % de la population (contre 20 % au niveau régional). Cette situation s’explique par la dynamique des installations récentes de jeunes adultes et de familles, mais pose aussi des questions sur l’anticipation de l’accueil des seniors à long terme. Les communes comme Goussainville ou Le Thillay, avec une part croissante d’habitants de plus de 65 ans, commencent à investir dans la construction de logements adaptés et de nouveaux services gérontologiques.

Mutations à surveiller : logement, mobilités et cohésion territoriale

Le principal défi à court et moyen terme reste la capacité des communes à équilibrer croissance démographique et cadre de vie. Le nombre d’habitants par logement augmente, avec des situations de sur-occupation régulières dans certains quartiers (notamment à Villepinte : 8 % des logements en situation de surpeuplement, Insee, 2021). À l’inverse, l’étalement périurbain progresse, soulevant la question de la saturation des infrastructures de transports et d’équipements collectifs.

Les mobilités évoluent rapidement : selon l’Observatoire des mobilités (2023), 27 % des habitants du Grand Roissy travaillent désormais dans la commune voisine, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. Cette mixité et circulation quotidienne renforcent à la fois l’attractivité du territoire et sa complexité organisationnelle.

Pour aller plus loin : le territoire laboratoire du futur urbain ?

Le Grand Roissy offre un terrain unique pour observer les mutations démographiques et urbaines de la France de demain. Sa jeunesse, sa diversité, l’importance des mobilités et l’impact direct des grands projets locaux en font un laboratoire grandeur nature de ce que sera la ville périurbaine du XXI siècle.

Face à ces transformations, les élus, urbanistes, entreprises et associations multiplient les innovations pour mieux anticiper et gérer ces évolutions : contrats de ville renforcés, projets d’écoquartiers, accompagnement des populations en mutation. L’avenir du Grand Roissy dépendra de la capacité collective à équilibrer attractivité, qualité de vie et cohésion sociale, au bénéfice de toutes ses composantes.

Pour ne rien manquer des évolutions du territoire et comprendre les grandes tendances qui redessinent nos communes, il est essentiel de suivre régulièrement les indicateurs démographiques… et de garder le regard ouvert, car au Grand Roissy, chaque année réinvente la courbe des habitants.

En savoir plus à ce sujet :