Goussainville : un contexte marqué par l’industrialisation et la désindustrialisation

Située dans le Val-d’Oise, à une vingtaine de kilomètres au nord de Paris, Goussainville compte aujourd’hui près de 31 000 habitants. Son histoire urbaine a été profondément marquée par l’essor industriel du XXe siècle, puis, à partir des années 1970, par de rapides mutations économiques (source : INSEE, Ville de Goussainville). Plusieurs sites industriels stratégiques – notamment autour de la zone de la gare et du Grand-Village – ont cessé leur activité, laissant sur le territoire de vastes espaces inoccupés, parfois pollués. En 2017, la municipalité estimait à près de 24 hectares la surface totale des friches industrielles identifiées sur son territoire, soit un des taux les plus importants du nord-francilien.

La fermeture de certains sites, tels que les anciennes usines textiles et ateliers mécaniques (dont celles du secteur Paul Bert ou de la rue Pierre Sémard), a généré non seulement une perte de dynamisme économique mais aussi une dégradation urbaine, accentuant localement l’insécurité et le sentiment d’abandon.

Les enjeux de la rénovation des friches industrielles à Goussainville

La reconversion des friches s’impose comme une des priorités de la stratégie municipale pour trois grandes raisons :

  • Répondre à la demande de logements et de services, dans une commune avec un taux de vacance municipal supérieur à la moyenne départementale (environ 10% en 2019, INSEE).
  • Lutter contre la dégradation de l’espace public : la persistance de friches crée des zones de non-droit et des îlots de pollution.
  • Favoriser l’attractivité économique : la remise en activité foncière peut générer de nouveaux emplois et attirer des investissements.

Processus et méthodologie : comment transformer une friche en espace urbain ?

Réhabiliter un espace industriel requiert un travail préparatoire complexe et pluridisciplinaire. À Goussainville, la municipalité a appliqué une séquence d’intervention méthodique, articulée autour de cinq étapes majeures :

  1. Repérage et diagnostic environnemental : La commune a procédé à un inventaire précis des friches et à un diagnostic de pollution des sols, parfois accompagné d’études d’impact sur la biodiversité. Celle menée sur la Zone Paul Bert (2021) avait révélé la présence de solvants chlorés et d’hydrocarbures, nécessitant des opérations de dépollution lourdes (source : Agence de l’Eau Seine-Normandie).
  2. Sécurisation et maîtrise foncière : Avant toute reconversion, la maîtrise du foncier est cruciale. Goussainville a eu recours à des dispositifs tels que le Droit de préemption urbain et des acquisitions amiables via l’Établissement Public Foncier d’Île-de-France (EPFIF). Entre 2018 et 2022, près de 17 hectares ont ainsi été sécurisés par la commune, ce qui facilite la cohérence des opérations.
  3. Concertation et co-construction : La ville a mis en place plusieurs ateliers urbains ouverts aux habitants et associations, mais aussi des réunions de concertation spécifiques avec les riverains. Sur le projet du « Nouveau Grand-Village », plus de 200 propositions ont été recueillies lors des ateliers de 2021 (source : Ville de Goussainville, compte rendu de la concertation publique).
  4. Choix des nouveaux usages : Loin de l’uniformité, Goussainville a opté pour des programmes diversifiés : constructions de logements sociaux et en accession, implantation de nouvelles écoles, création d'espaces verts, mais aussi de pôles d’activités. Sur la friche du secteur Pasteur, par exemple, la moitié du site a été dédiée à une nouvelle zone artisanale.
  5. Réhabilitation et aménagement : Les opérations sont menées par plusieurs maîtres d’ouvrage en fonction de la nature du site : collectivités, bailleurs sociaux ou promoteurs privés, avec un suivi environnemental fort (recours aux filières de gestion des terres polluées, optimisation de la consommation énergétique des nouveaux bâtiments, création d’écoquartiers, etc.).

Un focus sur trois projets emblématiques à Goussainville

  • Transformation du site Paul Bert
    • Surface : 6,8 hectares.
    • Dépollution achevée début 2022, avec la gestion de plus de 30 000 tonnes de remblais contaminés (source : Agence de l’Eau Seine-Normandie).
    • Développement d’un quartier mixte : 240 logements, une crèche, un espace associatif, 1,5 hectare d’espace public repensé.
    • Création d’une coulée verte reliant les nouveaux logements au parc central.
  • Le « Nouveau Grand-Village »
    • Situé au sud de la ville, proche du RER D.
    • Ancienne friche logistique transformée en quartier de ville, avec 340 logements (dont plus de 25 % en bail réel solidaire pour l’accession maîtrisée), une école et une maison de santé pluriprofessionnelle.
    • Projet lauréat de l’appel à projet « Inventons la Métropole du Grand Paris » en 2019.
  • Le secteur Pasteur
    • 7 hectares reconvertis depuis 2020.
    • Zonage partagé entre une petite zone artisanale, des logements intermédiaires, et un équipement public pour la formation professionnelle.
    • Insertion d’un hectare d’espace boisé, avec une politique de reconquête de la biodiversité : réintroduction de haies, nichoirs, désimperméabilisation des sols.

Les leviers de réussite et les obstacles rencontrés

Plusieurs facteurs ont été déterminants dans la réussite des opérations menées à Goussainville :

  • Mobilisation des financements croisés : les programmes ont été soutenus par une mosaïque de partenaires, dont la Région Ile-de-France, l’ANRU, l’EPFIF et la Métropole du Grand Paris. Le projet du Grand-Village a bénéficié de plus de 12,5 millions d'euros de subventions publiques (source : Conseil régional Île-de-France).
  • Anticipation environnementale : la systématisation des diagnostics de pollution et des actions de dépollution a permis de réduire les risques sanitaires et juridiques.
  • Diversification des usages urbains : rapprocher logements, services publics et espaces verts rend les nouveaux quartiers attractifs et mixtes.
  • Participation citoyenne : la concertation active a permis d’adapter les projets et de mieux maîtriser l’acceptabilité sociale des chantiers.

Mais le chemin n’a pas été sans difficultés :

  • Lenteur de la dépollution, avec parfois des délais de plusieurs années entre la maîtrise foncière et la livraison des premiers logements.
  • Gestion de la transition (sécurité, squat, vandalisation des sites en attente de reconversion).
  • Fragilité financière de certains projets dans des contextes économiques ou urbains tendus.

Quels impacts sur le quotidien des habitants et sur l’image de Goussainville ?

Les effets sont tangibles à plusieurs niveaux :

  • Augmentation maîtrisée de l’offre de logements (environ 580 nouveaux logements livrés ou engagés entre 2019 et 2024), répondant à une demande sociale forte (source : Ville de Goussainville).
  • Mieux-être urbain avec une baisse significative du nombre de logements vacants, diminution d’actes d’incivilité dans les nouveaux quartiers pilotes observée par la police municipale en 2023.
  • Revalorisation foncière : sur le secteur central, le prix moyen du mètre carré, bien qu’encore inférieur à la moyenne francilienne, est passé de 2 150 €/m² en 2017 à 2 510 €/m² en 2023 (source : Chambre des Notaires du Val-d’Oise).
  • Renforcement de l’ancrage local des habitants, avec l’ouverture de nouveaux équipements de proximité (notamment la future médiathèque du Grand-Village prévue pour 2025).

Des enseignements pour d’autres territoires urbains

La transformation des friches industrielles à Goussainville illustre l’intérêt, pour les dirigeants d’établissements publics et sociaux, d’aborder la gestion foncière et la rénovation urbaine par une approche globale et concertée. Loin de se limiter à la question de l’habitat, ces opérations englobent des enjeux de santé publique, de biodiversité, d’équilibre économique et de cohésion sociale. L’expérience locale montre que la réussite repose sur :

  • Une vision politique claire, traduite dans des documents de planification (PLU, conventions d’aménagement et de revitalisation).
  • La mobilisation de dispositifs de financement innovants (foncier solidaire, co-financements publics-privés, appels à projets métropolitains).
  • Un dialogue permanent avec les habitants, pour garantir à la fois la faisabilité technique et l’appropriation sociale des nouveaux espaces.

Le cas de Goussainville constitue un exemple probant de résilience urbaine et d’anticipation des besoins futurs dans un contexte en constante évolution. Il rappelle aussi le rôle des directeurs et cadres en santé-social de demain : piloter des projets d’aménagement, c’est aussi penser la qualité de vie et accompagner les transitions du territoire avec exigence et humanisme.

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