Comprendre la mobilité urbaine dans le Grand Roissy : un défi territorial majeur

Le Grand Roissy, espace dynamique situé au nord-est de Paris, constitue l’un des principaux pôles économiques et logistiques d’Île-de-France. Son développement s’articule presque entièrement autour de la mobilité, qu’elle soit quotidienne ou internationale, en raison de la présence de l’aéroport Charles-de-Gaulle (CDG), du hub de fret et des grandes infrastructures de transport. Ce territoire est à la croisée d’enjeux économiques stratégiques (création d’emplois, attractivité internationale) et de profondes mutations sociales et environnementales.

L’importance de la mobilité urbaine dans le Grand Roissy rejoint les grandes orientations des politiques sanitaires, sociales et médico-sociales : la mobilité, qu’elle soit subie ou choisie, façonne les opportunités d’accès aux droits, à l’emploi, aux soins et à une meilleure qualité de vie pour ses résidents. Cette réalité est renforcée par les évolutions récentes et à venir : arrivée de la Ligne 17 du Grand Paris Express, densification urbaine, réaménagement des voiries, mutations industrielles, transition écologique… Ces transformations interrogent le vécu quotidien des habitants – mais aussi les modalités d’intervention des directeurs d’établissements et des acteurs sociaux.

Un territoire polarisé par l’offre de transport : forces et fragilités

L’identité du Grand Roissy s’explique d’abord par sa desserte exceptionnelle :

  • Aéroport Charles-de-Gaulle, deuxième plateforme aéroportuaire d’Europe, près de 70 millions de passagers par an (statistiques Groupe ADP, 2019).
  • Réseau routier structurant : autoroute A1, A3, A104 – desservant plus d’une dizaine de zones d’activités majeures.
  • Transports en commun existants : RER B, TER, bus express, mais des liaisons suburbaines souvent insuffisantes.
  • Investissements Massifs en cours : près de 5,5 milliards d’euros pour l’arrivée de la future ligne 17 (source : Société du Grand Paris).

Toutefois, cette polarisation crée aussi des déséquilibres :

  • Des poches d’isolement persistent, notamment dans les quartiers d’habitat social distants des grandes gares.
  • L’accessibilité aux services, aux soins et à la culture reste inégale selon la localisation, accentuant des sentiments d’injustice territoriale.
  • La dépendance très forte à la voiture individuelle dans certains secteurs, notamment sur les trajets domicile-travail courts et mal desservis.

Dans ce contexte, la mobilité urbaine n’apparaît pas simplement comme un facilitateur, mais aussi comme un déterminant social essentiel, avec des impacts directs sur l’intégration, l’égalité des chances, la santé publique et le bien-être.

L’évolution de la mobilité : entre innovation, inclusion & contraintes environnementales

Depuis une quinzaine d’années, le Grand Roissy expérimente de multiples stratégies pour concilier développement économique, transition énergétique et inclusion sociale. Trois axes structurent les politiques publiques et les actions des acteurs sociaux :

1. Nouvelles infrastructures et intermodalité

  • Grand Paris Express : La ligne 17 reliera, d’ici 2030, Saint-Denis Pleyel à l’aéroport CDG en 25 minutes, offrant une desserte inédite des bassins d’emplois et de vie (source : Société du Grand Paris).
  • Pôles d’échanges multimodaux : Modernisation des gares (Le Bourget, Gonesse, Mitry), hubs bus-vélos-taxis, co-voiturage, amélioration des liaisons douces (pistes cyclables, cheminements piétons).
  • Navettes innovantes : Tests de navettes électriques autonomes ou partagées (RoissyPole, Paris Nord 2), pour répondre aux problématiques du « dernier kilomètre ».

2. Accessibilité et équité territoriale

  • Tarification solidaire : Mise en place par Île-de-France Mobilités de tarifs adaptés pour les publics précaires – réduction du « reste à charge » pour l’accès aux transports en commun.
  • Mobilité inclusive : Déploiement de dispositifs d’accompagnement pour les personnes en situation de handicap ou âgées, à travers le transport à la demande, l’accessibilité des arrêts (rampes, dispositifs d’aide à la mobilité).
  • Réseaux associatifs : Actions de médiation dans les quartiers prioritaires pour faciliter les déplacements et l’information sur les droits en matière de mobilité.

3. Enjeux écologiques et sanitaires

  • Lutte contre la pollution de l’air : Le territoire fait partie des zones les plus affectées par les nuisances atmosphériques et sonores, notamment autour de CDG et des grands axes routiers (Atmo IDF).
  • Promotion des modes actifs : Les plans de mobilités encouragent la marche, le vélo, avec un objectif de doublement de la part modale du vélo d’ici 2025 (source : Communauté d’Agglomération Roissy Pays de France).
  • Urbanisme durable : Émergence de nouveaux quartiers mixtes (roissypark, Triangle de Gonesse) intégrant logements, commerces, espaces verts et desserte transports pour limiter l’artificialisation des sols et améliorer la qualité de vie.

Impact concret : vie quotidienne, fractures sociales et dynamiques de santé

Les transformations du système de mobilité se traduisent par des effets contrastés pour les différents publics, habitants comme professionnels.

Pour les salariés et usagers quotidiens du Grand Roissy

  • Près de 250 000 emplois sont concentrés autour des zones d’activités de Roissy (source : Insee, 2022). Plus de 60 % des salariés résident hors du territoire et dépendent fortement des transports.
  • Amélioration de la ponctualité et réduction du temps de trajet pour certains (au fil de l’extension du réseau), mais persistance de « zones blanches », où la mobilité reste un frein à l’accès à l’emploi, notamment pour les jeunes ou les personnes non-motorisées.
  • Augmentation de la pluralité des offres de transports, mais aussi nécessité — pour les institutions et établissements — de travailler l’accompagnement (informations, aide à la mobilité pour publics spécifiques).

Pour les personnes fragiles et dépendantes

  • Accessibilité des structures médico-sociales conditionnée en partie à la desserte des transports : de nombreux établissements font face à des difficultés de recrutement ou à des taux d’absentéisme accrus, liés au « stress mobilité » (source : Essor Collectif).
  • Importance croissante du Transport à la Demande (TAD) et des dispositifs innovants pour éviter la rupture d’accompagnement, surtout chez les personnes âgées, en situation de handicap ou isolées.
  • Nécessité d’intégrer la mobilité dans le projet d’établissement : accompagnement des professionnels, accessibilité aux soins, partenariats avec les collectivités locales pour améliorer l’offre.

Risques de nouvelles inégalités

Même si la mobilité progresse, certains effets pervers tendent à s’installer :

  • Gentrification de certains secteurs, renchérissement du foncier autour des futures gares.
  • Déplacements paradoxaux : certaines populations les plus vulnérables restent confinées à des mobilités contraintes (temps de trajets longs, horaires incompatibles avec la vie familiale ou associative).
  • Inégalités environnementales : surexposition de certains quartiers à la pollution alors que d’autres bénéficient d’une valorisation éco-urbaine accrue. (Levallois-sur-Pollution).

Mobilité, cadre de vie et intervention sociale : quels leviers pour les acteurs du secteur ?

Pour les directeurs et responsables d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, la question de la mobilité urbaine n’est plus périphérique : elle conditionne l’attractivité, la qualité de service, mais aussi la cohésion sociale au sein des structures implantées sur le territoire du Grand Roissy. Trois principaux axes d’action se dégagent :

  1. Penser la mobilité dans l’accueil et l’accompagnement
    • Adapter les horaires, les modalités d’accueil, les logiques d’animation pour tenir compte des contraintes réelles de déplacement des publics accueillis.
    • Porter une attention accrue à l’accessibilité des plateaux techniques, des services itinérants et des permanences sociales.
    • Créer ou soutenir des partenariats avec les services de mobilité, publics ou associatifs, pour accompagner les personnes les plus fragiles.
  2. Agir comme un relais territorial et citoyen
    • Participer à la concertation locale (Commissions mobilité, Instances de dialogue de proximité, Conseils citoyens).
    • Plaider pour une meilleure prise en compte des besoins des populations spécifiques du secteur social (personnes handicapées, âgées, familles monoparentales) dans les grands projets d’infrastructure.
  3. Veiller à la santé et à la qualité de vie
    • Intégrer la prévention des risques liés aux mobilités (pollution, stress, accidents) dans les politiques de santé au travail et d’accueil des publics.
    • Favoriser l’expérimentation d’alternatives (télétravail, flexibilité des horaires, solutions de proximité) pour réduire la dépendance aux transports et améliorer l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle.

Quelles perspectives pour un Grand Roissy plus inclusif ?

Au final, la mobilité urbaine dans le Grand Roissy oscillera sans doute longtemps entre accélérateur d’attractivité et révélateur d’inégalités, selon la capacité du territoire à renforcer l’équité et la participation de tous à son développement. Nouvelles lignes, plateformes intelligentes, offres solidaires : le défi sera d’accompagner ces changements en veillant à ce que chaque habitant, quel que soit son âge, sa situation de handicap ou son lieu de vie, puisse accéder à des mobilités choisies — et non subies. Cette vigilance et cette créativité sont au cœur des missions qui attendent les futurs cadres du secteur sanitaire et social sur le territoire.

Plus que jamais, penser la mobilité urbaine, c’est repenser l’articulation entre action publique, cadre de vie et accompagnement des parcours individuels pour une société plus accessible, plus solidaire, et durablement plus humaine.

Sources principales : INSEE, Société du Grand Paris, Groupe ADP, Atmo IDF, Communauté d’Agglomération Roissy Pays de France, Île-de-France Mobilités, Essor Collectif, médias territoriaux.

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